La cérémonie du thé

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Assis sur le perron en bois d’une maison, je contemplais devant moi le jardin de mon ami Shuko. Il était élaboré sur le modèle du zen japonais et reconstituait en miniature un paysage immense. On voyait des rochers qui symbolisaient des montagnes et devant eux, des hêtres et des cyprès de petite taille étaient taillés en nuage. Chacune de leurs branches avaient sa courbe propre, certains arbres étaient noueux, d’autres élançaient leurs branches vers l’horizon et proposaient de petits plateaux de feuilles à quelques rouges-gorges de passage. A gauche du jardin, on entendait le clapotis que faisait une petite fontaine. Mon regard revenait toujours aux arbres dont il m’aurait été impossible de dire l’âge. Bien que d’une hauteur réduite, on voyait que leur tronc était assez large et que leur écorce était épaisse, ce qui indiquait qu’ils avaient déjà atteint leur maturité. Du moins, c’est ce que je supposais. Ces arbres étaient séparés de moi par une large plate-bande de petits cailloux blancs sur lesquels avaient été tracés des cercles concentriques. Je laissais mon regard glisser à la surface de cette onde minérale…

Après un temps incommensurable, je sentis la main légère de Shuko se poser sur mon épaule. Je tournais lentement la tête vers lui, revenant sur le perron que mon esprit avait quitté. Shuko me souriait. C’était l’heure convenue par son grand-père pour que nous assistions à la cérémonie du thé. Je me relevais et ajustais le kimono bleu marine que je portais. Nous contournâmes la maison pour nous rendre au pavillon du thé, le sukiya. Ce petit pavillon de bois était très modeste et je m’étonnais que le maître du thé Sen no Rikyu put pratiquer son art dans un lieu à l’apparence si humble. Shuko précisa que le pavillon du thé n’avait pas à être grandiose puisque l’essentiel se passait à l’intérieur et non à l’extérieur. Cette remarque me sembla très judicieuse. Nous approchâmes de l’entrée : il nous fallut nous baisser pour la passer. Ainsi, que l’on soit noble ou de basse extraction, chacun devait laisser son ego en dehors du pavillon et entrer tel qu’il était, c’est-à-dire humain parmi les humains.

Le pavillon n’était composé en apparence que d’une seule pièce, toutefois je devinais qu’une autre pièce au moins pouvait exister derrière celle-ci. En effet, nous entendîmes un gong pour nous indiquer que nous pouvions à présent passer dans la pièce attenante. Là, nous attendait le grand-père de Shuko, un homme vénérable à la barbe blanche taillée en pointe. Il souriait d’une manière affable et d’un geste de la main nous proposa de nous asseoir. Nous primes place en nous agenouillant, en prenant soin de bien caler nos pieds sous nos fesses. Je gardais les mains posées à plat sur mes cuisses. Je parcourais la pièce du regard. Sa décoration était dépouillée. On voyait seulement à droite, une petite alcôve dans laquelle était suspendue une calligraphie tracée à la peinture noire. Et au-dessous, une branche de cerisier, avec des fleurs d’un rose tendre, si pâle qu’elles étaient presque blanches. Mon regard revint ensuite se poser sur le maître du thé. Il avait gardé son aimable sourire. Alors commença la cérémonie du thé.

Sen no Rikyu prit la bouilloire dont l’eau frémissait au-dessus d’un petit feu. Il versa de l’eau dans une théière qu’il posa sur la table entre nous. Il prit ensuite une boîte à thé et un fouet en bambou qui ressemblait au blaireau que papa utilise pour étaler sa mousse à raser. Avec une cuillère à thé en bois de bambou il versa deux cuillerées d’un thé en poudre dans un bol ébréché. Puis d’un large geste, il versa l’eau chaude dans le bol. Il reposa la théière sur la petite table et il mélangea ensuite le breuvage vigoureusement à l’aide du fouet jusqu’à ce qu’une mousse d’un vert gris se forme à la surface du liquide. Le thé était prêt !

Il se pencha avec délicatesse vers moi, pour me tendre le bol qu’il fit tourner sur lui-même pour me le présenter. J’inclinais la tête en signe de remerciement sans dire un mot et portais le bol à mes lèvres. Cependant, ce furent mes narines qui furent saisies les premières par le parfum du thé vert, le Matcha, dont l’odeur était caractéristique. J’entrouvris les lèvres et laissai l’or vert glisser dans ma bouche. C’était une saveur exquise, très fine, un mélange d’herbe coupée, de fleurs, de bois sec aussi peut-être. Je fermai un instant les yeux pour profiter de sa chaleur... Il était temps maintenant de passer le bol à Shuko. J’étais envahi par la solennité de cet instant et je vis bien qu’il en était de même pour mon ami. Il fit les mêmes gestes que moi avant de tendre le bol à son grand-père qui but le reste du thé. Reposant le bol, il l’essuya avec une petite serviette en soie avant de le replacer sur la petite table.

Voilà, la cérémonie était terminée. La lenteur de nos gestes avait certainement arrêté le cours du temps… Quand nous sortîmes du pavillon, le ciel était toujours du même bleu clair et seuls quelques nuages s’étiraient en minces filaments.

Article écrit par Yoann Flamel et illustré par Aaliya Whitewood

Commentaires

1. Le mardi 16 janvier 2018, 05:29 par Théa Alcantara

Article super prenant ! Vraiment super travail Yoann :)

2. Le Lundi 29 janvier 2018, 18:36 par Tauriel

Wouah, j'ai pu voyager un instant avec vous en lisant cela, c'était très agréable à lire Yoann